Bruno Carotti, le défenseur franco-espagnol, est
prêt à jouer en L2 s'il le faut avec le club
héraultais.
Message :
"Votre fils, il ne sera bon qu'à
brouter l'herbe." Envoyé par un ancien
éducateur de Montpellier dans l'oreille de
Mariano Carotti, le père de Bruno, quand il
était encore un ado aspirant à devenir pro.
Comme quoi...
Trois cent six matchs de L1 plus tard, Carotti,
pas rancunier, est revenu aux sources, à
Montpellier, où il serra les dents pour percer,
et où maintenant il veut vivre tranquillement.
Il va faire pousser une maison dans la quiétude
du golfe dui Lion. Et si Montpellier venait à
descendre en L2, lui qui n'y a jamais goûté, ne
s'enfuirait pas : "Ici ça ne me
gênerait pas."
Le capitaine héraultais, trente ans, sourit à
l'évocation des bruits rapportés de Majorque,
son île natale. Un musée du Sport est en
gestation. Comme l'ancien Barcelonais Nadal et
lui sont les deux seuls footballeurs des
Baléares de haut niveau, ils y seront honorés.
Du coup, son nom circule du côté du Real
Majorque, pensionnaire de la Liga. Carotti reste
de marbre. La Liga, il y a déjà songé. Il a la
double nationalité franco-espagnole, parle la
langue de Cervantès, mais rien de concret ne
s'est jamais présenté.
Son père est majorquin d'ascendance italienne,
sa mère, parisienne. Né dans le havre de
pêcheurs de Puerto Pollensa, au nord de la
grande île de l'archipel, il coupe son enfance
en deux. La scolarité et le foot à Clamart,
d'abord, les matchs de jeunes à Saint-Ouen,
l'ambiance du Parc, la fibre parisienne. Les
Baléares, des vacances dans un coin de paradis
avant le tourisme de masse, des parties de ballon
avec les clients de l'hôtel de son père, une
culture cousine des Catalans.
Où a-t-il apprivoisé le ballon ? "Dans
la cour d'école, dans la rue, à Clamart ou avec
les copains. J'ai toujours préféré la
technique au physique." Régis Durand,
son premier entraîneur en cadets à Montpellier,
confirme. "Il venait de Versailles, donc
c'était doucement le matin, et il est espagnol,
donc pas trop vite le soir. Physiquement, il
avait parfois du mal, ne finissait pas toujours
les matches, il était plutôt technique et un
peu nonchalant, posé, gentil, réfléchi. On le
comparait à Laurent Blanc."
Marqué
par Suaudeau et M. Gallagher
C'est Robert
Vico qui l'avait repéré en sélection des
Yvelines, alors qu'il était en sport-études à
Versailles, en minimes. "C'est donc le
meilleur match de ma vie. Un dimanche à 9 heures
du matin, par 10° C, il pleuvait, je jouais 10,
on avait gagné 11-0 et j'ai eu de la chance.
J'ai sauté sur la première ouverture concrète."
Montpellier le forme mais le rejette à dix-huit
ans pour manque de "coffre". Il tente
alors les "sciences éco" puis le droit
à la fac, durant six mois, avant de se
cramponner au foot. Sous licence amateurs, il est
titularisé quatre mois plus tard à Monaco, en
fin de saison 1991-1992. Gili arrive et son oeil
l'escorte vers les pros. "C'est le
métier. Tu passes vite de pas forcément
désiré à révélation."
Sept mille francs (1070 euros) par mois au
départ, hors primes. La suite, c'est une ligne
de conduite réaliste suivie par Jeannot Werth.
Ce désinvolte n'a jamais cherché à tenter le
diable. Toujours "le choix de jouer, de
progresser dans un environnement favorable,
d'être le plus régulier possible."
Bourrier le convoque en Espoirs en février 1993.
Fin milieu défensif, il côtoie Zidane, Dugarry,
Thuram. Il poursuit en A'. L'Euro 96 n'était pas
loin. "Mais, au milieu, des joueurs
avaient un potentiel au-dessus du mien."
Des personnages ont marqué une enrichissante
escale à Nantes (1995-1998). Suaudeau notamment,
"perfectionniste, expert des mouvements
et des déplacements". Et l'Anglais M.
Gallagher, arbitre de Juventus-Nantes, en
demi-finale aller de Ligue des Champions 1996.
Carotti prend deux jaunes avant la mi-temps. Sur
le second "Padovano se fait un
croc-en-jambe tout seul, tombe et se tord de
douleur. Je croyais que le jaune était pour lui,
mais non."
Puis il file à Paris (1998-janv. 2000). Pour des
raisons affectives, après avoir hésité avec
Lens. Paris, une litanie de petits et gros
malheurs. "Ca ne devait pas marcher."
Trois entraîneurs en moins d'un an, une
expulsion dès son premier match, des blessures
en pagaille et un drame sur lequel il n'a pas
besoin de s'épancher : la disparition brutale de
son fils de deux ans. "Le foot a alors
été une bonne psychanalyse." Il
s'échappe alors à Saint-Etienne puis à
Toulouse.
Rentré au bercail en 2001, il a gagné en
assurance et en sérénité. Et, s'il ne se sent
pas irréprochable cette saison, il est un
exemple pour la farandole de jeunes. "C'est
quelqu'un de bien, de juste, qui n'a pas besoin
de hausser la voix pour qu'on l'écoute",
dit Moullec. Le spectre de la relégation ?
"Il reste sept matchs, tout est
possible. On verra plus clair après les deux
prochains (à Sedan et contre Sochaux). On
est à l'état brut, il nous faut conjuguer
insouciance et rigueur."
Carotti, lui, a tracé son sillon en étant
davantage empreint d'humilité et de simplicité
que poussé par l'orgueil ou dévoré de rêves
de gloire. De toute façon, dit-il, "si
je n'avais que des qualités, je ne serais dans
doute pas là".
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